Le Professeur Échimane Kouassi Antoine est décédé le lundi 21 juin 2010.
Puberté précoce : 8 ans, prêtes à tomber enceinte
La puberté marque la sortie de l’enfance. Mais parfois, elle survient un peu tôt dans la vie, c’est-à-dire avant 8 ans chez la fille et 10 ans chez le garçon. Il s’agit de la puberté précoce qui est devenue un phénomène de plus en plus fréquent. Pourquoi l’horloge biologique est-elle en avance ? Des spécialistes expliquent.
Touré Naman est très confuse. A 8 ans, sa fille Kady a déjà ses menstrues pendant trois mois successifs. Ce n’est pas tout. Malgré son jeune âge, cette élève de Ce2 a déjà l’allure d’une fille de 15 ans. Sa poitrine et son postérieur se sont arrondis à une vitesse vertigineuse. « Je ne sais pas pourquoi elle est devenue femme aussi vite ? », s’interroge la mère. La maman elle-même a connu ses premières menstrues à l’âge de 15 ans. Elle craint que la précocité qu’elle observe chez sa fille fasse de celle-ci « une proie facile pour les hommes. » Même inquiétude chez F. Fatoumata. Sa fille de 9 ans, trempée dans ses règles, l’a réveillée un matin toute en pleurs. « Maman, je suis blessée et mon ventre me fait très mal », avait dit la gamine. Cette situation a beaucoup affecté cette génitrice qui continue de se poser beaucoup de questions. « J’espère que cette situation ne va pas occasionner un problème dans son organisme », s’inquiète-t-elle. Même son de cloche chez dame Koffi Bernadette.
Cause tumorale
Son fils de 10 ans mesure déjà 1m37 pour 30kg. « J’ai remarqué la présence de poils sous ses aisselles ainsi que sur son pubis », nous révèle-t-elle. Avant d’ajouter que le pénis du garçon a pris du volume. Bon nombre de parents assistent médusés à la puberté précoce de leur progéniture.
Les signes de la nubilité sont connus. Il s’agit de l’augmentation des seins, l’apparition des poils pubiens et des règles chez les filles ; et de l’augmentation du volume des testicules, du pénis, l’apparition des poils sur le visage et sur la poitrine, et du développement de la musculature chez les garçons. Selon les spécialistes, ces transformations débutent normalement entre 10 ans et demi et 11 ans chez les filles, et vers 11 ans et demi chez les garçons. Cette puberté devient précoce avec l’apparition de ces signes avant l’âge de 8 ans chez la jeune fille et avant l’âge de 10 ans chez le jeune garçon. Ces manifestations proviennent de l’hypothalamus-hypophysaire.
C’est l’organe qui commande les sécrétions de stéroïdes sexuels (testostérone chez le garçon, œstradiol chez la fille). Elles sont produites à partir de la stimulation des gonades. La précocité pubertaire vraie est donc due à un dysfonctionnement de cet organe. Et à ce niveau, la simulation des ovaires et des testicules se fait un peu plus vite. Les techniciens distinguent la puberté précoce de la pseudo-puberté précoce qui se fait par hypersécrétion primitivement surrénalienne et gonadique. Selon Dr Derbé Augustin, médecin au service d’endocrinologie-diabétologie du Centre hospitalier universitaire(Chu) de Yopougon, la vraie précocité pubertaire est idiopathique (sans cause retrouvée). Dans 80% des cas chez les filles et 20% des cas chez les garçons.
Dans les autres cas de figure, un processus neurogène tumoral est retrouvé près d’une fois sur deux. Un avis que partage notre endocrinologue. « En général, quand on retrouve une cause, elle est d’ordre tumorale », certifie-t-il. C’est dire que la cause principale de la puberté précoce vraie reste une tumeur, surtout chez les garçons. En dehors de cela, il faut rechercher les origines dans les antécédents personnels et familiaux ou par un bilan spécialisé afin de déceler les séquelles inflammatoires (encéphalites, méningite tuberculeuse), tumeurs cérébrales, chocs, localisations cérébrales de maladies systématisées, dysplasie fibreuse des os d’Albright, etc. Le médecin précise que « la puberté précoce vraie se déroule de la même manière que la puberté normale sur le plan biologique ».
Arrêt de la croissance et risque de cancer utérin
L’échographie pelvienne (bassin) montre un développement utérin et ovarien comparable à ceux observés au cours de la puberté. « Un cycle menstruel ovulatoire normal finit par s’installer ; ce qui occasionne des cas de grossesse chez des petites filles très jeunes », ajoute le spécialiste. Sur le plan pratique, en dehors même du pronostic lié à la cause éventuelle, cette puberté précoce qu’il n’est pas possible d’entraver, pose deux problèmes majeurs. Selon notre spécialiste, le développement psychoaffectif de la petite fille peut être perturbé pour des raisons évidentes. De telles manifestations créent parfois des difficultés dans le milieu socio-familial et scolaire. « Mais ce qu’il faut craindre, c’est que la taille définitive peut être gravement affectée parce qu’il y a une maturation osseuse précoce », avertit Dr. Derbé Augustin. Cela s’explique par le développement rapide des testicules et de la verge chez le garçon, des seins et de la pilosité pubienne, et même apparition des règles chez la fille, et dans les deux sexes une accélération de la croissance mais la taille définitive sera petite.
Dans la puberté normale, la croissance somatique prédominant sur les os longs avant la puberté se fait plus rapidement entre 11 et 12 ans. « Par an, l’enfant prend 8 à 10 centimètres en croissance », précise-t-il. Notre praticien ajoute qu’à partir de la phase pubertaire, cette croissance est ralentie (atteignant 1 à 2 centimètres par an) jusqu’à 17 ans où il y a soudure des cartilages de conjugaison. En effet, la poussée de croissance, puis la soudure des cartilages de conjugaison, à un trop jeune âge, aboutissent de façon irréversible à une taille définitive inférieure à la normale.
Il faut savoir qu’une fille qui est réglée tôt a une courbe de croissance ralentie par rapport aux enfants de son âge. De plus, qui dit puberté précoce dit forcément ménopause précoce avec risque d’ostéoporose, de cancer utérin. Un avis que partage Pr. Adoubi Innocent, cancérologue au Chu de Treichville. Selon lui, la puberté précoce est un véritable facteur de risque du cancer du col de l’utérus. Il explique cela par des œstrogènes qui restent longtemps élevées dans la vie. Pour se mettre à l’abri de cette maladie, « une fille qui a une puberté précoce doit nécessairement faire un test de dépistage (du cancer) », préconise le cancérologue.
Il faut consulter très tôt un spécialiste
Il n’existe pas de moyens préventifs permettant de se mettre à l’abri d’une précocité pubertaire. Cependant, il n’y a pas lieu de s’inquiéter, avouent les praticiens. « Il existe des traitements à la plupart des pubertés précoces, qui disparaissent avec la cause qui les a déclenchées », nous dit Dr. Derbé. La première étape consiste à déterminer l’origine exacte grâce à une série d’examens par radiographie, scanner, imagerie et par résonance magnétique nucléaire. « Si c’est une tumeur qui est à la base de la puberté précoce, il faut traiter ce mal », explique-t-il. La seconde solution consiste à remettre les pendules à l’heure. C’est-à-dire que, dès l’apparition de signes de puberté chez un enfant manifestement encore trop jeune, il faut immédiatement consulter un endocrinologue qui va explorer afin de voir si l’enfant ne cache pas une tumeur.
C’est le cas du couple Kouassi qui n’a pas hésité à consulter un praticien au Chu de Yopougon pour être situé sur la précocité pubertaire de leur fille de 10 ans. « Ma fille est traitée depuis un an à raison d’une injection par trimestre. Elle est suivie par une endocrinologue tous les six mois », dit dame Kouassi. S’il est cependant impossible de prévenir la puberté chez l’enfant, il existe des moyens pour freiner son évolution. Le freinage permet de stabiliser le développement pubertaire et promouvoir la taille finale en réduisant la vitesse de maturation osseuse. « Ce freinage est fait à base de produits qui ralentissent la maturation osseuse et ont un effet sur les caractères secondaires », rassure notre endocrinologue. Il explique, par ailleurs, que ces produits qui existent en pharmacie retardent l’évolution rapide des poils pubiens, des seins, l’évolution des testicules et du pénis. Source : Nord Sud Media