Après les footballeurs Ronaldo (Brésil) et Zinedine Zidane (France), l’attaquant international ivoirien de Chelsea, Didier Drogba, agée de 28 ans, est nommé ambassadeur itinérant du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD - ONU).
L’ambassadeur à la retraite et ancien directeur adjoint du protocole d’Etat, SEM Vieira Collet Philippe, a récemment animé un séminaire de renforcement des capacités au profit des agents du protocole d’Etat. Il parle du projet de décret portant sur le protocole d’Etat, du protocole diplomatique et qualifie de révolutionnaire le statut des diplomates.
Le projet de décret du Protocole d’Etat a été au centre d’un séminaire dont vous avez été le facilitateur. Et qui a ressemblé les agents du Protocole d’Etat en service dans les ministères et les différentes institutions de la République. Pourquoi cette session de renforcement des capacités seulement maintenant dans un pays indépendant depuis bientôt 50 ans ? Nous avons agi sur instruction de M. le Président de la République lui-même, qui n’a pas toujours apprécié la façon dont étaient organisées les cérémonies officielles, les visites d’Etat et les visites officielles Il a instruit le Premier ministre sur la nécessité de réformer le protocole d’Etat, pour mettre, au mieux, en forme l’ordre établi et défini par ses services. J’ai proposé un programme de formation que le Premier ministre a validé et il a chargé le ministre des Affaires étrangères de l’exécution de cette tâche. J’ai été sollicité et j’ai servi d’instrument pour coordonner toutes ces volontés. J’ai donc animé le séminaire de renforcement des capacités des agents du Protocole d’Etat.
Quels sont les fondements d’un protocole d’Etat ? Le Protocole d’Etat a des assises, c’est-à-dire des bases. Et la base première, c’est le décret sur la préséance qui constate la place des uns et des autres dans la Nation. Et quand ce document vient à manquer, on ne sait plus qui vient avant qui et qui vient après qui. On tourne en rond et on improvise quotidiennement. Ce qui est dommageable pour un Etat organisé.
Doit-on comprendre que la Côte d’Ivoire est pays indépendant n’avait pas ce document essentiel, c’est-à-dire ce décret pour codifier le protocole d’Etat ? Ce décret existe en partie pour les présidents des Institutions et les membres du Gouvernement. Mais la Côte d’Ivoire s’étend sur toute l’étendue du territoire. Quand les cérémonies se déroulent à Abidjan, on sait quel ordre observer pour les uns et les autres. Mais quand les cérémonies sont organisées à l’Intérieur du pays, le protocole d’Etat se trouve confronté à de nombreux problèmes de préséance. Les cérémonies officielles sont organisées à l’initiative d’une personnalité publique et ce sont ces situations que nous tentons de régler avec le projet de décret du Protocole d’Etat. Parce que le décret et les arrêtés en vigueur à ce jour ne s’adaptent plus aux différentes situations.
Avec l’évolution de l’Etat, de nouvelles et de nombreuses institutions sont nées. A côté de la Présidence de la république, on trouve depuis 1990, la Primature. On a désormais, la Commission électorale indépendante, le Conseil national de la Communication audiovisuelle, le Gouverneur du District d’Abidjan, la Commission nationale des Droits de l’Homme, la Cour des Comptes. Comment va –t-on ordonnancer tout cela aux côtés de l’Assemblée nationale, du Conseil économique et Social, du Conseil Constitutionnel, de la Cour suprême ? Je relève que c’est le Président de la République seul et lui seul qui fixe les ordres de préséance. On lui présente un projet de décret avec toutes les nouvelles institutions créées depuis l’indépendance jusqu’à ce jour. Et avec le Secrétariat du Gouvernement et la cellule de la Primature qui réfléchit sur les textes officiels qu’on présente au Gouvernement, il détermine les ordres de préséance de toutes les institutions créées depuis notre accession à la souveraineté nationale et internationale.
Après l’indépendance de notre pays, nous n’avions pas un poste de Premier ministre, il a fallu créer ce poste et assigner le Premier ministre dans l’ordonnancement général. Il vient donc après le Président de la République en lieu et place, et conformément à l’ordre ancien, du président de l’Assemblée nationale. Le séminaire constate que depuis l’indépendance, de nouvelles institutions ont vu le jour, alors comment les classer les unes par rapport aux autres ? Il faut ensuite penser à un protocole unique pour la Côte d’Ivoire. On ne doit pas discriminer le protocole et avoir un protocole pour Paul ou pour Pierre. C’est un protocole d’Etat. Tous les agents chargés du protocole doivent observer la même règle sur toute l’étendue du territoire. Quand vous aller dans les départements, vous avez un représentant du Président de la République qui est le préfet, le sous-préfet, le secrétaire général de préfecture et à partir de lui, les choses doivent s’ordonner de telle ou telle façon. C’est ce que nous demandons.
Comment distinguer entre les visites d’Etat, les visites officielles, les visites de travail et d’amitié ? Doit-on qualifier les visites du Président de la République aux populations nationales de visites d’Etat malgré leur caractère populaire et la teneur des livres blancs ? C’est un abus de langage quand on qualifie les visites que le Président de la République rend aux populations à l’intérieur, de visites d’Etat. Veut-on faire la différence entre les visites qu’il rend souvent aux populations dans les régions et départements pour dire des choses importantes sur ces circonscriptions et qu’on assimile aux visites d’Etat ? La visite d’Etat, généralement, se passe dans un contexte de relation entre deux pays. La visite de travail, c’est la visite la plus simple qu’un Chef d’Etat rend à un autre Chef d’Etat. Elle dure quelques heures et les deux souverains discutent d’un point précis de leur coopération. La visite officielle prend un peu plus de temps et est annoncée par voie diplomatique plusieurs jours à l’avance.
La visite d’Etat, c’est la reine des visites. Celle qu’on annonce à grand renfort de publicité. Par exemple, la presse en rend compte quinze jours avant et les programmes sont connus par les deux pays. Cette visite donne lieu à une pompe extraordinaire et il y a des annonces au plan diplomatique : tel Président doit arriver dans le pays à telle date et on spécifie le caractère de la visite. Elle peut être une visite de travail, d’amitié, une visite officielle. La visite d’Etat est sanctionnée par un communiqué officiel. On peut aussi réduire tout le faste qui entoure la visite d’Etat pour éviter que les choses traînent en longueur.
Et quand un monarque vient en visite dans une république ? C’est la visite d’Etat par excellence parce que le traitement qu’on réserve à un souverain est différent de celui qu’on réserve à un Président de la république. On fait plus attention à de nombreux à- cotés. Ce sont des visites qu’on prépare longtemps à l’avance. Le directeur du protocole d’Etat se rend dans ce royaume s’informer sur les goûts et les couleurs du roi. Les repas à prendre, avec quelles couleurs décorer les endroits qu’il va fréquenter et visiter. Il y a de nombreux paramètres auxquels on prête attention pour préparer la visite et pour exécuter la visite. Le protocole prépare les choses avec une grande précision et munitie.
Lors des visites d’Etat et officielles, quelle organisation mettre en place à l’arrivée ? Qui doit être au pied de l’échelle de coupée ? Où doivent se trouver le directeur du protocole d’Etat, l’aide de camp, les agents de la sécurité rapprochée, les personnalités et les journalistes ? Qui a droit au salon ou au pavillon d’honneur ? Vous faites bien de poser ces questions parce que ce sont des détails qui n’ont pas été bien codifiés. Et c’est-ce que nous ambitionnons de corriger. Lorsqu’on parle de désordre à l’arrivée d’un Chef d’Etat, il se situe à plusieurs niveaux. D’abord au niveau des personnalités qui vont à l’accueil du Président de la république en visite. Ensuite, tout le monde veut aller au bas de l’échelle de coupée. Les journalistes et les photographes se bousculent. C’est un spectacle horripilant. Je me propose de rencontrer l’Union des journalistes pour avoir une séance de travail parce que nous sommes en train de réfléchir à un système d’accueil virtuel. Nous allons indiquer aux hommes des médias, la place qu’ils doivent garder lors d’une visite officielle pour qu’on voie, au moins, le Chef de l’Etat qui arrive et le Chef de l’Etat qui accueille.
Vous avez dit qu’à chaque pays, son protocole d’Etat. Il est bien rare de voir dans les pays développés, le protocole d’Etat derrière le Président de la République. Sous nos tropiques, c’est souvent que le protocole et l’aide de camp volent la vedette au Président et que le protocole et l’aide de camp se confondent avec la sécurité ? (Rires sonores). Vous avez raison, ce sont ici des habitudes qui ont été prises pendant longtemps. Le directeur du protocole, c’est celui que vous voyez souvent derrière le Chef de l’Etat même s’il n’a rien à y faire. Ce qui confère de l’autorité au chef ou au directeur du protocole. Sans cette autorité, il lui sera difficile de mettre en œuvre l’ordre protocolaire établi quel qu’il soit. En France, cela a été établi une fois pour toutes, le directeur du protocole, on ne sait même pas qui sait.Une fois, la mise en forme de l’ordre établi, il n’a plus rien avoir avec tout le reste de l’exécution qui doit se faire.
Quelle attitude doit adopter le protocole quand lors d’une cérémonie officielle les personnalités, les présidents d’ institution, les membres du gouvernement se font accompagner par leurs compagnes ou compagnons. L’épouse ou l’époux du président d’institution, du ministre doit-il (elle) prendre systématiquement, rang aux côtés de son époux ou épouse ? Quand on est invité à une cérémonie officielle, on reçoit une invitation ou ce qu’on appelle généralement, un carton. Le carton mentionne qui est invité. Si l’épouse ou l’époux de l’autorité est invité, il ou elle accompagne son épouse ou son époux. Dans le cas contraire, il ou elle ne vient pas. Le plus grave, c’est quand l’autorité en plus de son épouse ou de son époux, vient avec des amis parce qu’il y a à boire et à manger quelque part. Ce qui détraque tout le protocole et fausse tout l’ordonnancement mis en place pour accueillir les invités. Cela ne devrait pas se faire. Ce sont des abus qui se sont installés de façon sibylline
Des personnalités invitées à certaines cérémonies officielles, tenues par les contingences liées à leurs agendas, se font représenter par d’autres personnes. Leurs représentants peuvent-ils prendre rang à leur niveau ? La réponse est non, sauf en ce qui concerne Chef de l’Etat qui se fait toujours représenter au plus haut niveau. Les autres personnalités ont le droit de se faire représenter, mais que les personnes qui les représentent ne s’attendent pas à être situées à la place que les autorités ont dans la préséance normale. On peut les placer après les présidents des institutions avant les membres du gouvernement, mais pas avant le Premier ministre.
Selon quels critères place-t-on les autres invités par rapport à la personnalité centrale ? Cette personnalité détermine la place des uns et des autres. Par exemple après le Président de la république, vient le Premier ministre qui se trouve automatiquement à la droite du Chef de l’Etat. A gauche du Premier ministre vient le président de l’Assemblée nationale, celui qui le suit au plan protocolaire vient à droite du Premier ministre et à gauche du président du parlement ainsi de suite. Il y a aussi des emplacements alternés et cela donne lieu à des études particulières et est fonction des endroits où l’on se trouve : à table, dans une Eglise, etc.
Pendant le séminaire, j’ai cru comprendre que la prestance, l’habillement tient une place importante chez le diplomate et le protocole. Vous évoquez là l’étiquette. Je dois vous rappeler que le séminaire a eu à se pencher sur quatre sujets : le protocole d’Etat qui a pour base le décret sur la préséance, le protocole diplomatique qui a pour socle les deux conventions de Vienne et vous avez ce qu’on appelle l’étiquette. L’étiquette comprend la gestuelle, le vêtement, les places à table, comment mettre les couverts, comment faire asseoir les invités les uns après les autres, les places en voiture, la préséance, l’ordonnancement des voitures, etc.
L’étiquette couvre des domaines très variés. La tenue vestimentaire est un des points essentiels d’un agent chargé du protocole. Un tel agent ne s’habille pas n’importe comment. Par exemple, à la Cour d’Angleterre, les lettres de créance sont présentées en habit : la jaquette, le chapeau de forme, le nœud papillon blanc etc.. C’est un vêtement qu’on apprend à porter et avec lequel il faut se familiariser longtemps. Chaque pays recommande des vêtements. A l’indépendance chez nous, les lettres de créance étaient portées par les diplomates en habit parce que le Président était beaucoup plus jeune et il avait le temps. Parce que je dois dire cet habit est difficile à porter et long à vêtir.
Et au fur à mesure qu’il prenait de l’âge, on a simplifié les choses et on a adopté le costume de ville sombre. Faut-il le regretter ? Non ! Parce que cet habit difficile à porter se porte sous d’autres cieux et dans un contexte différent. Faut-il pour autant pour la Côte d’Ivoire décider le port d’habits spéciaux ? J’ai abordé cette question pendant le séminaire parce que j’ai la conviction que le protocole d’Etat doit refléter notre culture et notre tradition. Par exemple, quand on invite les chefs traditionnels à l’aéroport pour l’accueil d’un chef d’Etat, il faut que ces chefs ne soient pas réduits au décorum, mais qu’ils soient véritablement pris en compte dans le protocole.
C’est souvent qu’on distribue à tour de bras le titre d’Excellence aux personnalités. A qui doit-on affecter le titre d’Excellence ? Aux membres du gouvernement, au Premier ministre ou exclusivement au Président de la république et aux ambassadeurs ivoiriens à l’étranger ? Généralement le titre d’Excellence est réservé à une certaine catégorie de personnes. Un Ivoirien ne s’adresse pas à l’ambassadeur de son pays en l’appelant Excellence. Il dit M. L’ambassadeur. Quand il s’adresse à un ambassadeur étranger, il dit Excellence. Ce qui est différent, on ne dit pas aux Etats-Unis, Excellence M. Barack Obama ni en France, Excellence M. Sarkozy. On dit M. Obama ou M. le Président ou M. Sarkozy ou M. le Président. Chez nous ici, on a pris des habitudes qui ne sont pas bonnes et qui consistent à appeler tout le monde excellence. On n’appelle pas le Premier ministre Excellence, on dit M. le Premier ministre.
En revanche, on dit Son Excellence M. le ministre des Affaires étrangères. Il nous faut nous conformer aux usages diplomates internationaux. Il est vrai qu’au début des indépendances, on appelait indifféremment toutes les personnalités : Excellence, au point qu’on ne savait plus qui prioritairement méritait ce titre. Je vais vous raconter une anecdote : un monsieur arrive dans un aéroport africain et il se met à appeler tout le monde Excellence. Alors son interlocuteur lui dit : mais quelle est cette histoire d’Excellence à n’en plus finir. Et lui de répondre : on ne sait jamais, à la faveur d’un coup d’Etat, il peut devenir Président de la république et il peut se souvenir que je ne l’ai pas appelé Excellence.
Qu’en est-il du protocole diplomatique ? Ce domaine tranche avec le Protocole d’Etat qui donne un sens à notre séminaire dont le thème est : « Le renforcement des capacités des agents chargés du protocole de l’Etat ». Mais nous en avons profité pour parler de ce protocole qui nous concerne particulièrement en tant que diplomate. Je vous ai dit que le protocole d’Etat a pour assise un projet de décret sur le protocole tandis que le protocole diplomatique a pour assise les deux conventions de Vienne : la convention diplomatique et la convention consulaire dont la Côte d’Ivoire est partie. Ce sont ces deux conventions qui établissent une fois pour toutes, le rang des ambassadeurs. Le rang des uns et des autres. De ceux qu’on appelle le doyen, le nonce, les conseillers, les secrétaires d’ambassade etc. Il y a les devoirs des uns et des autres et les droits des uns et des autres, c’est dire : l’inviolabilité, les privilèges, les immunités des ambassadeurs. Tout ce qu’il faut observer pour éviter les incidents diplomatiques.
Une fois qu’un Etat a apposé sa signature au bas d’un traité qui reconnaît les droits des uns et des autres, il faut observer ces droits et tout le monde a le devoir de les observer : les forces de l’ordre dans leurs différentes déclinaisons, même le citoyen lambda doit recevoir l’ambassadeur qui visite ou passe dans son village, son quartier avec tous les égards parce qu’il représente son pays. L’inobservance de ces droits peut amener la brouille entre deux pays. Ce n’est heureusement pas encore le cas en Côte d’Ivoire. Même si nous recevons çà et là quelques plaintes de certains ambassadeurs et diplomates étrangers dont les droits ont été bafoués.
Je vous ai dit qu’il y a l’inviolabilité de la personne de l’ambassadeur, de ses biens, de son hôtel, du personnel qui l’entoure et même de sa voiture. L’ambassadeur et les diplomates et tout le personnel d’ambassade ont des immunités et des privilèges dont ils bénéficient. On distingue les privilèges de courtoisie, les privilèges douaniers, etc. Si les privilèges des uns et des autres ne sont pas respectés, on imagine très mal la situation dans laquelle vous mettez vos propres ambassadeurs et diplomates en poste à l’étranger. Parce que le protocole diplomatique est basé sur le principe de la réciprocité : vous me donnez, je vous donne, c’est aussi clair que ça.
Comment doit se dérouler l’entrée en fonction d’un ambassadeur. Un ambassadeur est annoncé depuis lurette et il est présent dans le pays d’accueil, mais il se montre discret jusqu’à ce qu’il présente ces Lettres de créances au Président de la République. Quand dit-on qu’un ambassadeur est accrédité et quel sens donner aux copies figurées et aux Lettres de créances ? Quand un ambassadeur peut-il véritablement entrer en fonction ? Un ambassadeur est affecté en poste en Côte d’Ivoire. On demande d’abord un agrément ; une lettre par laquelle on l’accepte comme le représentant de son pays chez nous. Une fois l’agrément donné, l’ambassadeur arrive et il attend quelque temps et il présente ses lettres de créances. Il arrive que cette attente soit la plus longue possible compte tenu de l’agenda du Président de la république, mais il faut faire en sorte que cette attente soit la moins longue possible. Je peux rappeler que des ambassadeurs affectés en Côte d’Ivoire sont repartis sans jamais avoir présenté leurs lettres de créances donc sans être accrédités.
Avec les copies figurées des lettres de créances que l’ambassadeur présente d’abord au Directeur du Protocole d’Etat et au ministre des Affaires étrangères ou ministre des Relations extérieures et de la Coopération, on examine la conformité de tout ce qui est écrit sur ces copies. On s’assure par exemple que le nom du Président de la république auprès de laquelle on veut l’accréditer n’est pas escamoté, que son titre est correctement mentionné. Quand il s’agit d’une royauté, les choses sont plus compliquées, il faut que la déclinaison du nom et des titres respecte rigoureusement l’ordre établi. Cette étape achevée, l’ambassadeur entre en fonction, il peut prendre contact avec les membres du gouvernement sauf les présidents des Institutions de la république. Les Lettres de créances, c’est le moment suprême de son séjour. C’est le moment où il présente les documents l’accréditant dans le pays en qualité d’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire. Il présente ses Lettres de créances suivant un cérémonial codifié à l’avance et à cette occasion, le Président de la république s’engage à faire tout ce qui est en son pouvoir pour rendre son séjour dans le pays, agréable et fructueux.
Vous êtes un ambassadeur à la retraite, mais pour la première depuis 1960, les diplomates viennent d’avoir un statut. Ce statut a fait couler beaucoup d’encre et je trouve cela dommage pour deux raisons. Il est vrai que ce statut prend, du temps à être appliqué mais il doit passer par les mains des ministres de la Fonction publique et de l’Emploi, de l’Economie et des Finances, des Affaires étrangères avant d’arriver chez le Président de la république pour signer le décret d’application. Cela fait long j’en conviens. Par ailleurs, je déplore l’attitude de toutes ces gens qui se répandent dans les journaux et qui disent que le ministre des Affaires étrangères a bloqué le statut pour éviter la rotation diplomatique. Non, il ne faut pas voir les choses avec de telles œillères. J’ai toujours dit que le Ministère des Affaires étrangères est un sanctuaire. Ce qui se fait dans les autres ministères ne se fait pas au ministère des Affaires étrangères. Quand des diplomates font un sit-in ou commencent à faire une marche, cela a plus de résonance à l’extérieur que quand c’est le fait d’agents d’un autre ministère. Il faut savoir raison garder et apprendre à nos enfants qu’on peut tout obtenir dans la patience. Même si la jeunesse ne rime pas avec patience, il faut de la patience.
Les raisons qui expliquent le retard dans l’application du statut ne sont pas nécessairement le fait du ministre des Affaires étrangères, ni celui de ses collaborateurs. Ce statut concerne l’ensemble des diplomates. Il concerne aussi ceux qui ont été formés à l’Ecole nationale d’administration et qui sont déversés au ministère des Affaires étrangères et qui attendent avec impatience leurs affections. L’image que cela me donne est celle de tous ces candidats à l’immigration qui vont s’écraser contre toutes les barrières de l’Europe. Les diplomates veulent tous fuir le pays qui vit une crise. Ils veulent partir, ils disent : on aura des avantages et des primes. Mais il ne faut pas commencer sa carrière avec un tel état d’esprit et dans ces conditions. Si vous êtes en ambassade que le pays ne peut pas vous payer, que faites-vous et où sont la paix et la tranquillité qu’on recherchait à tous les prix ? Ici, un ambassadeur qui n’est pas payé peut trouver un soutien auprès d’un parent, d’un ami ou d’une connaissance. Mais à l’étranger, c’est plus difficile et il va finir par transposer les problèmes du pays, là où il est en mission. Il va organiser des sit-in, brûler les pneumatiques et bloquer ainsi l’ambassade, mais ce sont des comportements peu recommandables dans ces pays.
Ce statut donne aujourd’hui au conjoint ou à la conjointe de l’ambassadeur d’avoir droit à une indemnité ; l’âge de la retraite a été largement avancé et assorti d’une rente viagère pour l’ambassadeur qui fait valoir ses droits à la retraite. Comment appréciez-vous ce statut et quelles sont les révolutions qu’il contient ? Il ne faut pas bouder son plaisir ni faire la fine bouche. Ce statut est réellement révolutionnaire parce que le statut des diplomates n’a jamais existé. Par exemple, par le passé, quand une épouse d’ambassadeur est professeur, une fois à l’étranger, elle se tourne les pouces et ne s’occupe exclusivement que de la maison et des réceptions que donnent son époux. C’est déjà important que l’épouse s’occupe des réceptions, des dîners et déjeuners officiels, des réceptions à l’occasion de la fête de l’indépendance. Il est aussi important que l’épouse s’occupe de la scolarité de ses enfants ; mais elle perd un avantage qu’elle aurait eu si elle était restée au pays. Elle aurait eu un salaire et ce n’est que justice si l’on décide de donner un salaire aux épouses des ambassadeurs. C’est une compensation consignée dans ce statut et nous sommes pressés de voir l’application dudit statut
Je me réjouis de ce que les ambassadeurs à la retraite n’aient pas été oubliés et voient leurs pensions améliorées. Lorsqu’on a représenté son pays à un haut niveau et qu’on vient à vivoter et qu’on se sent obligé de se cacher quand un collègue ou un ami du pays où l’on a servi vient à passer à Abidjan, parce qu’on a pas les moyens de le recevoir, cela n’honore pas le pays, ni l’ambassadeur. Le Président Houphouet-Boigny tenait à ce que ses ambassadeurs soient traités le mieux possible. Il tenait à ce que ses ambassadeurs soient mieux logés. Il a institué la rente viagère parce que les ambassadeurs en poste perdent de nombreux avantages. Ceux restés au pays ont des réalisations, ce n’est pas souvent le cas de ceux qui font de la représentation. C’est souvent que leurs parents à qui ils expédient de l’argent pour réaliser quelques projets, se construire une maison par exemple, utilisent cet argent à d’autres fins, pour des funérailles, pour des cas de maladie, pour des naissances et des baptêmes. Et l’ambassadeur se retrouve à 60 ou à 65 ans sans un toit.
Ce statut définit de nouveaux corps de métier et supprime des fonctions antérieures, comment ces changements vont se vivre ? Notre métier est très hiérarchisé. Nous avons l’ambassadeur, le premier, le deuxième et le troisième conseiller. Vous avez le premier, le deuxième secrétaire… jusqu’au chancelier. Cette fonction a été supprimée et on a créé une autre fonction qui s’appelle ministre plénipotentiaire. Cette fonction est l’aboutissement normal de la carrière du diplomate. Je dois dire qu’on est pas diplomate pour devenir ambassadeur. Être ambassadeur est une fonction, comme être Maréchal. C’est un titre honorifique. Vous pouvez aspirer à devenir ambassadeur, et c’est tant mieux si vous l’êtes. Mais notre plafond, c’est ministre plénipotentiaire. Et c’est dans cette catégorie qu’on choisit les ambassadeurs.
Parce qu’on estime que le ministre plénipotentiaire qui parvient à la fin de sa carrière, est aguerri, qu’il connaît toutes les arcanes de son métier. Je ne dénie pas au Président de la république, chef de la diplomatie, le pouvoir que lui donne la constitution de nommer qui il veut comme ambassadeur et où il veut. Voilà pourquoi, nous avons aussi des ambassadeurs politiques. Cela fait partie des privilèges du Président de la république. Tenez, il y a des diplomates de Côte d’Ivoire qui n’ont jamais été conseillers ou qui ont été conseillers que six mois ou qui sont restés 25 ans et même 30 ans conseillers avant d’être choisis comme ambassadeur. Puis d’autres qui toute leur vie, n’ont pas eu la chance d’être nommés ambassadeur et qui sont morts. Ce n’est pas un droit, c’est une récompense suprême. Ce n’est pas une obligation. L’obligation pour le diplomate, c’est quand il connaît une progression normale pour finir comme ministre plénipotentiaire.
Comment se fait la rotation diplomatique parce que cela a justifié un mouvement d’humeur au ministère des Affaires étrangères, il y a peu ? Normalement, le diplomate ou l’ambassadeur a deux séjours de 3 ans à l’extérieur. Vous pouvez par exemple resté dans une ambassade 6 ans ensuite vous revenez au pays pour 3 ans. Vous repartez pour 3 ans soit à New-York, soit pour 3 autres années à Paris et vous revenez jusqu’à la fin de votre carrière. Malheureusement, ce mouvement n’est pas suivi. De mon temps, il existait une commission paritaire composée d’ambassadeurs, de conseillers, de secrétaires des Affaires étrangères et c’est au sein de cette commission qu’on discutait des cas d’affectation.Parce que la rotation tient compte du profil de carrière du diplomate. On n’affecte pas un diplomate pour lui faire plaisir, c’est parce qu’il a suivi un certain cursus. Sur la base de son profil, on peut l’affecter dans tel ou tel pays plutôt que dans tel autre. On n’affecte pas les diplomates n’importe comment.
Malheureusement cette rotation a été faussée par la crise que nous connaissons depuis septembre 2002. Ceux qui sont à l’extérieur ne veulent pas rentrer et ceux qui sont au siège sont pressés de partir. Quand on demande de faire rentrer un ambassadeur, on répond qu’il n’ y a pas d’argent pour transporter ses bagages et sa famille. Il y a des ambassadeurs ou diplomates qui sont à l’étranger et qui ont peut-être un enfant ou une famille de taille modeste que va remplacer un autre qui a une nombreuse famille et dont il faut scolariser les enfants. Cela coûte énormément de l’argent. Toutes ces implications financières font parfois que le mouvement se trouve lui-même bloqué. On n’y peut rien.
Et que dire des ambassadeurs qui quand ils sont rappelés, rusent parfois avec la hiérarchie en brandissant des certificats médicaux ? Pourquoi cela ? Quand un ambassadeur a fini sa mission et qu’il doit revenir au siège, il y a toutes ces angoisses parce que là où l’on était, il y avait un service médical, de bonnes conditions pour se faire soigner. Quand il revient, il n’est plus assuré, il n’est pas au sein d’une mutuelle qu’on aurait pu créer et gérer par nous- mêmes. C’est comme cela qu’on éloigne la peur du retour.Mais je me suis battu, en vain. Il lui faut s’occuper des frais de scolarisation et d’hospitalisation de ses enfants. Tout cela existe en France, mais pourquoi ne pas copier ce qui est bon ? Le diplomate arrive et il est livré à lui-même. Je peux vous citer des cas de diplomates morts dans le sable de Port-Bouët, mais on trouve de l’argent pour leur acheter des couronnes mortuaires pour les enterrer. Cette façon de faire m’a toujours révolté. Interview réalisée Par Franck A. Zagbayou - Fraternité Matin, 19 novembre 2009
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