Les francophones d’Ottawa et de Gatineau ont perdu deux églises dimanche. Les paroissiens se sont rassemblés en grand nombre à l’église Saint-Raymond, dans le secteur de Hull, pour la dernière messe. C’est l’archevêque monseigneur Roger Ébacher qui a présidé la cérémonie. L’église a été jugée excédentaire et mise en vente en août 2007. Il s’agit de la quatrième église de l’archidiocèse de Gatineau à connaître un tel sort.
L’établissement a été vendu et sera converti en centre récréatif pour pratiquer l’escalade. Les biens de l’église et du presbytère seront vendus à l’encan à la mi-janvier. Ce n’est pas la vocation souhaitée par tous les paroissiens pour leur ancien lieu de culte. Pour sa part, le président de la fabrique, Robert Normand, accepte le sort de l’église Saint-Raymond, qui ne comptait plus que sur les quêtes d’une seule célébration dominicale.
« Si on investit tous nos sous dans l’entretien d’un bâtiment, d’un édifice, bien les sous ne vont pas à la pastorale, soit là où ils devraient aller », indique M. Normand. La transaction doit être conclue en janvier. L’acheteur prendra possession des lieux le 1er février. De l’autre côté de la rivière, à Gloucester, les fidèles de l’église Notre-Dame-de-Lourdes de Cyrville ont aussi célébré leur dernière messe. La restructuration des paroisses du diocèse d’Ottawa et la diminution de fréquentation de la communauté francophone expliquent cette fermeture.
Le deuil est difficile à faire pour les paroissiens, souligne l’ancien président du conseil de pastorale Guy Mompoint. « Vous vous sentez chez vous. Vous êtes chez vous et tout le monde vous connaît [...] Quand nous arrivons à cette église nous nous sentons chez nous. » M. Mompoint déplore par ailleurs que rien n’a été fait pour tenter de maintenir ouverte l’église. Il note également que les paroissiens n’ont pas été consultés. Les fidèles devront maintenant se joindre à une autre communauté. Source : Radio Canada.ca, dimanche 27 décembre 2009 à 23 h 04
L’agence APIC a consacré, le 29 octobre dernier, un intéressant dossier au patrimoine immobilier de l’Eglise catholique au Québec. On en trouvera ici les extraits les plus significatifs, en n’oubliant pas que cette situation dramatique, signe tangible d’une déchristianisation universelle, n’est pas propre aux fidèles québécois. Au Québec, bastion catholique historique d’Amérique du Nord, la vie sociale et religieuse a longtemps gravité autour de la paroisse. La symbiose était presque totale… jusqu’au milieu des années 60. Puis vint la "Révolution tranquille", projet laïc valorisant l’autonomie individuelle et la liberté de conscience ; les églises se vidèrent inexorablement. Aujourd’hui, faute de fidèles et par manque de moyens pour les entretenir, des paroisses fusionnées se défont de leurs lieux de culte.
Les Eglises historiques, frappées par la désaffection de leurs fidèles, le dépeuplement des quartiers de centre-ville au profit des banlieues et la baisse de la démographie, doivent supprimer des paroisses ou les regrouper pour former des "unités pastorales". Ce qui semblait impensable il y a peu est en passe de devenir monnaie courante : des églises sont désaffectées et vendues. D’autres mises à la disposition de groupes culturels ou de communautés catholiques de rite oriental, car les fabriques chargées de l’entretien des églises n’en ont plus les moyens. Les Eglises traditionnelles n’arrivent tout simplement plus à supporter financièrement le fardeau que représente aujourd’hui leur riche passé.
Une étude gouvernementale révèle que si l’on considère toutes les œuvres d’art produites au Québec au cours de son histoire, près de 50% de ce patrimoine est d’inspiration religieuse. Pas étonnant par conséquent de trouver sur Internet de telles annonces immobilières : "Canton de l’Est. Ville de Brigham. Eglise construite en 1872 en briques avec fenêtres d’époque. Un vrai bijou idéal pour rénover ou pour bricoleur" ou encore "Appartement de style loft à louer. Situé dans une église, tout près de la Gare du Palais, du Vieux-Québec, du Vieux-Port. Murs en briques."
En 1967, un curé de la banlieue de Québec envisageait de construire une nouvelle église … "parce que le parc de stationnement autour de son église était trop petit pour recevoir les voitures de la messe de 11h, alors que les paroissiens de celle de 10h n’étaient pas encore sortis." Aujourd’hui, ces mêmes paroisses envisagent de transformer ces églises en bibliothèques, en gymnases, voire en habitations.
Montréal, autrefois surnommée "la ville aux 100 clochers", s’est transformée ces dernières décennies en une grande métropole cosmopolite et sécularisée. Beaucoup d’eau a coulé sous les ponts du Saint-Laurent depuis l’époque où, en 1642, Paul de Chomedey, sieur de Maisonneuve, donnait le nom de Ville-Marie à la bourgade qu’il allait édifier au pied du mont Royal. Le noble français, à la tête d’une expédition missionnaire, était venu pour convertir les Amérindiens au catholicisme.
Désormais, c’est la présence de nouveaux groupes ethniques voire d’autres confessions religieuses qui permet de sauvegarder un certain nombre d’édifices catholiques à Montréal : Latino-américains, Coréens, Haïtiens, Syriens ou Taïwanais ont repris des églises en les adaptant à leurs propres rites. "Cela reflète le nouveau visage de Montréal", ville multiculturelle et multiethnique, constate Robert Koffend, représentant du Consistoire de l’Eglise presbytérienne au Canada.
Ce dernier était parmi les signataires, en novembre 2001 en la cathédrale Marie-Reine-du-Monde, d’une entente entre le gouvernement du Québec et les principales autorités religieuses de Montréal. Ce nouveau partenariat vise à favoriser la conservation et la consolidation des lieux de culte d’intérêt patrimonial de la métropole. L’accord-cadre d’une durée de 5 ans prévoit également, en cas de désaffectation de ces lieux de culte, un projet pilote portant sur leur recyclage partiel.
On trouve actuellement sur l’île de Montréal plus de 600 lieux de culte de toutes les traditions religieuses, que ce soient des églises, des chapelles, des temples ou des synagogues. Nombre d’entre eux font partie des monuments historiques répertoriés dans le patrimoine protégé. De ce nombre, quelque 70 églises catholiques et environ 40 lieux de culte d’autres traditions présentent un intérêt patrimonial, selon le répertoire d’architecture traditionnelle de la Communauté urbaine de Montréal.
Plutôt que de les voir tomber sous les coups des pelles des bulldozers, des églises de quartier, mises en vente, sont recyclées. Le recyclage à d’autres fins que le maintien comme lieu de culte est une option qui a déjà été appliquée à différents édifices religieux. Ainsi, plusieurs presbytères ont changé de fonction pour devenir des gîtes touristiques, des restaurants ou des résidences privées. Il en est de même de plusieurs couvents, qui ont été transformés en immeubles résidentiels.
A Québec, on inaugurait ainsi en janvier dernier l’Ecole de cirque de Québec… dans les locaux de l’église Saint-Esprit, située dans le quartier Limoilou. Construit en 1930, cet édifice religieux, désaffecté depuis l’été 2001, était le premier, sur le territoire de la ville de Québec, à être reconverti à la suite de la signature, en avril 1999, d’un accord entre l’Archevêché de Québec, la Ville de Québec et le ministère de la culture et des communications, concernant la sauvegarde et la mise en valeur des églises situées sur le territoire de l’ancienne Ville de Québec.
Son sort est certes plus enviable que celui de l’église Notre-Dame-du-Chemin, bâtie en 1932 et démolie en 1999. Quant à l’église Saint-Jean-de-la-Croix, située au coin de la rue St-Zotique et du boulevard Saint-Laurent, elle a été vendue. Les promoteurs viennent d’en faire un immeuble résidentiel de 59 unités de "condominium", avec garage en sous-sol et stationnement extérieur. Son porche a été transformé en une grande baie vitrée, et ses flancs percés de fenêtres et munis de balcons. Les défenseurs du patrimoine n’apprécient guère la seule sauvegarde de l’enveloppe extérieure des édifices religieux, pour laquelle ils utilisent le vocable de "façadisme".
Dans un sens plus social, le "Chic Resto Pop" – un organisme à but non lucratif fondé en 1984 par cinq bénéficiaires de l’aide sociale qui voulaient créer leur propre emploi et aider les gens de leur quartier – vient d’acquérir l’église désaffectée Saint-Mathias et son presbytère, situés à l’angle des rues d’Orléans et Adam, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Ce restaurant communautaire, qui offre quotidiennement plus de 1200 repas à prix modique, compte déménager ses locaux en janvier 2004. Mais les nouveaux propriétaires ont l’intention de conserver le clocher, les luminaires, les vitraux et même les confessionnaux. L’autel en marbre va être transporté à l’entrée pour l’accueil, les bancs vont être utilisés comme banquettes, le chœur comme salle à manger.
L’Archevêché de Montréal s’est départi d’une dizaine d’églises au cours des dernières années et désire favoriser en premier lieu la vente à des groupes religieux de la grande famille chrétienne, puis aux groupes communautaires. Il y a moins d’enthousiasme pour transformer les églises en appartements. "Entre 1970 et 1976, le diocèse de Montréal a permis la destruction de dix églises. Ces disparitions ne seraient pas perçues de la même façon aujourd’hui", affirme l’abbé Claude Turmel, vice-président de la Fondation du patrimoine religieux du Québec. Pour ce prêtre de l’Archevêché de Montréal, "la conscience patrimoniale est désormais plus forte."
Le jésuite québécois André Brouillette, lui, n’hésite pas à parler d’un "dépeçage du patrimoine religieux" qui se déroule "dans un silence relatif et une impuissance politique assez caractéristique de notre époque". "Les protestations devant des projets effrontés de privatisation et de défiguration d’édifices religieux sont nombreuses, mais sporadiques et tardives. De plus, nul ne veut aller à la racine du problème, qui est d’abord financier", estime André Brouillette dans la revue jésuite québécoise Relations (octobre-novembre 2001). L’Eglise, insiste-t-il, est dépositaire d’un riche patrimoine spirituel, certes, mais aussi, du fait de l’histoire, d’une grande partie du patrimoine bâti du Québec. "Or elle n’a plus les moyens d’en assumer seule la sauvegarde."
André Brouillette estime que les églises n’appartiennent pas seulement aux chrétiens, pas plus que les synagogues aux juifs : "Elles font partie du paysage de nos villes et de nos campagnes et sont entrées dans notre héritage commun. Mais lorsque l’héritage implique une dette, il faut aussi la partager." Malgré le réveil tardif d’une population restée longtemps indifférente, il devient de plus en plus clair que la sauvegarde du patrimoine religieux ne peut être la préoccupation que des seuls fidèles pratiquants. Ainsi, la lutte pour la conservation des monuments historiques concerne l’ensemble des Québécois, quelles que soient leurs convictions religieuses et leur origine ethnique. (sic)
Le gouvernement du Québec a reconnu cet état de fait en lançant, en 1995, un programme de subventions destinées aux bâtiments religieux. L’argent est versé à la Fondation du patrimoine religieux du Québec qui gère le programme en collaboration avec le ministère de la culture et des communications. La Fondation est une association privée sans but lucratif, à caractère multiconfessionnel, œuvrant à l’échelle du Québec. Elle a pour mission d’aider les représentants de communautés et de traditions religieuses, propriétaires d’édifices, de biens mobiliers et d’œuvres d’art d’intérêt patrimonial, à assurer la conservation et la mise en valeur de leurs biens par la restauration et l’entretien préventif. Les opérations de soutien financier de la Fondation ont débuté en avril 1996. Depuis lors, plus de mille projets d’envergures diverses émanant de toutes les régions du Québec ont été mis en chantier.
Aux Pays-Bas aussi, selon la presse néerlandaise, de moins en moins d’églises sont utilisées pour la célébration de la messe. Durant les dix dernières années, 623 églises ont été fermées ou transformées à d’autres fins. Elles abritent notamment des musées et des bibliothèques, ou elles sont transformées en appartements. D’autres demeurent vides et sont laissées à l’abandon. La commission oecuménique pour les bâtiments ecclésiaux craint qu’en 2010, un quart des 1800 églises catholiques recensées dans le pays ne disparaisse. Selon un sondage, les trois quarts des Néerlandais souhaitent pourtant qu’au moins une église soit conservée dans chaque village. 4 août 2009