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A ce jour, le G20 a permis d’apporter des réponses collectives efficaces à la crise la plus grave traversée depuis celle des années 1930. En 2011, le G20 devra achever les chantiers déjà engagés pour s’attaquer aux racines de la crise mais également étendre son agenda à de nouveaux chantiers pour améliorer de façon durable la stabilité et la prospérité mondiales. En effet, seul le G20 dispose du poids, de la légitimité et de la capacité de décision nécessaires pour donner les impulsions indispensables à l’avancement des grands chantiers économiques d’aujourd’hui à travers les actions suivantes :
1 - Réformer le Système Monétaire International (SMI) La période récente a été marquée par une forte volatilité des monnaies, le creusement des déséquilibres et la recherche d’un niveau toujours plus élevé de réserves de change par les pays émergents pouvant être confrontés à des retraits brutaux et massifs des capitaux internationaux.
La présidence française souhaite réformer le système monétaire international pour apporter des réponses collectives à ces dysfonctionnements et accompagner les mutations profondes que connaît l’économie mondiale, avec notamment la montée en puissance des grands émergents. La construction d’un SMI plus stable et plus robuste passe aussi par la réduction des déséquilibres et la coordination accrue des politiques économiques au sein du Cadre pour une croissance forte, durable et équilibrée du G20.
2 - Renforcer la régulation financière La présidence française veillera à la mise en œuvre effective des règles décidées par le G20 pour renforcer durablement le contrôle du secteur financier. Elle s’emploiera aussi à renforcer la régulation financière dans les domaines où elle reste insuffisante, par exemple en matière de régulation du « secteur bancaire fantôme » (activité bancaire parallèle non régulée à ce jour) et d’intégrité et de transparence des marchés financiers.
3 - Lutter contre la volatilité excessive des prix des matières premières Le G20 s’est pour la première fois penché sur la question de la fluctuation excessive des prix des matières premières lors du Sommet de Pittsburgh en septembre 2009 mais peu de mesures concrètes ont été prises à ce jour.
La France souhaite trouver des solutions collectives pour réduire la volatilité excessive des prix des matières premières, notamment agricoles, qui pèse sur la croissance mondiale et menace la sécurité alimentaire des populations. En particulier, les ministres de l’Agriculture se réuniront en juin, afin de proposer des solutions pour renforcer la sécurité alimentaire et développer l’offre agricole.
4 - Soutenir l’emploi et renforcer la dimension sociale de la mondialisation La présidence française du G20 fera avancer 4 objectifs prioritaires dans ce domaine : l’emploi, notamment des jeunes et des plus vulnérables ; la consolidation du socle de protection sociale ; le respect des droits sociaux et du travail ; et une meilleure cohérence des stratégies des organisations internationales. Les ministres du Travail et de l’Emploi se réuniront fin septembre sur cet agenda.
5 - Lutter contre la corruption L’action du G20 en matière de lutte contre la corruption s’inscrit dans une stratégie globale de long terme en faveur d’un assainissement du climat des affaires, de la lutte contre l’évasion fiscale et du renforcement de l’État de droit. La présidence française s’assurera que le Plan d’action de lutte contre la corruption adopté à Séoul se traduit par des résultats concrets et des avancées effectives dès 2011.
6 - Agir pour le développement Le G20, qui représente 85% de l’économie mondiale et les deux tiers de la population de la planète apparaît aujourd’hui comme une enceinte pertinente pour apporter des solutions concrètes aux problématiques du développement. Le Sommet de Séoul de novembre 2010 a marqué une étape décisive avec l’adoption du premier plan d’action du G20 sur le développement.
La présidence française s’attachera en particulier à soutenir le développement des infrastructures et assurer la sécurité alimentaire dans les pays les plus vulnérables. La présidence française portera au G20 le débat sur le financement du développement, au travers des financements innovants, et notamment de la taxe sur les transactions financières.
Alors que les niveaux de pauvreté globaux se sont considérablement réduits ces deux dernières décennies, les besoins non couverts dans les pays en développement sont encore colossaux.
Les pays en développement font face à des inégalités croissantes et à des risques sociaux graves : seuls 20 % de la population mondiale bénéficient d’une couverture sociale globale. Le total des dépenses publiques de sécurité sociale se limite à 4,1 % du PIB dans les pays à faible revenu contre 19,4 % dans les pays à haut revenu (21 % en France).
Le G20, premier forum de coordination des politiques économiques globales, se doit de lutter pour la croissance des pays en développement et contre la pauvreté. En agissant ainsi, le G20 travaille à la prospérité commune car les pays en développement peuvent constituer de nouveaux pôles de croissance.
Les pays émergents sont devenus des acteurs incontournables de la gouvernance économique mondiale et du développement. Il revient au G20 d’améliorer la gouvernance économique mondiale et de faire évoluer les institutions qui en sont chargées. Ainsi la Chine, 2e économie mondiale, devrait devenir le 3e actionnaire de la Banque mondiale et l’un des principaux bailleurs multilatéraux pour le développement. Plus généralement, l’essor de la coopération Sud-Sud fait que l’aide au développement n’est plus le monopole des pays avancés.
Il est donc fondamental que le G20 amène autour d’une même table pays émergents et pays avancés, pour coordonner les politiques de développement. C’est la décision prise à Séoul : 9 domaines d’action pour le développement ont été réunis dans un Plan pluriannuel du G20.
1. Renforcer les infrastructures dans les pays en développement En Afrique subsaharienne, l’insuffisance des infrastructures réduit la croissance de plus de 2 points par an. D’après la Banque mondiale, l’investissement dans les infrastructures dans cette région couvre moins de la moitié de ses besoins annuels (45 des 93 Mds USD).
En réponse, le G20 demandera à un Panel de haut niveau, qui réunira des responsables, publics comme privés, internationalement reconnus pour leur expertise, d’identifier des projets d’infrastructures et les moyens de les financer en associant le secteur privé au secteur public. Le G20 demandera également aux principales banques régionales et multilatérales du développement de coordonner leurs actions sur un certain nombre de projets d’infrastructures.
2. Assurer la sécurité alimentaire Pour nourrir, en 2050, une population mondiale estimée à 9 milliards d’habitants, la production agricole mondiale devrait croître de 70 % et les investissements dans les pays en développement de 83 Mds par an. D’après la FAO, les hausses des prix des matières premières qui ont conduit aux émeutes de la faim en 2008 dans les pays en développement pourraient se répéter dès 2011.
La présidence française du G20 proposera donc des mesures pour stimuler l’offre de production agricole et promouvoir les investissements agricoles responsables. En outre, la gouvernance et la cohérence des politiques dans le domaine des produits agricoles seront améliorées pour mieux prévenir et gérer les crises. Enfin, pour lutter contrer les conséquences néfastes de la volatilité des prix des produits agricoles, la présidence française engagera les principales organisations internationales à mener un travail conjoint pour développer des outils de couverture du risque.
3. Étendre la protection sociale La vulnérabilité est l’un des obstacles majeurs au développement économique et humain. La protection sociale a aussi un rôle très important à jouer dans les pays en développement.
La présidence française demandera aux organisations internationales de lister les meilleures pratiques en matière de protection sociale afin de favoriser leur extension et leur réplication.
4. Mobiliser toutes les ressources pour le développement Le développement doit pouvoir s’appuyer sur des sources de financement internes ; le G20 mobilisera les organisations internationales en faveur de la lutte contre l’évasion fiscale.
Des financements innovants peuvent et doivent aussi être mobilisés. La présidence française du G20 engagera des travaux en concertation avec le secteur privé et la société civile sur les moyens d’élargir les mécanismes de financement déjà existants à d’autres sources.
Les financements innovants du développement ont été évoqués pour la première fois dans le cadre des Nations Unies, lors de la Conférence de Monterrey en 2002. En quelques années, le sujet s’est installé au cœur de l’agenda international. Il suscite un intérêt croissant de la part de nombreux Etats, de la société civile et de l’opinion publique.
L’intérêt pour les financements innovants du développement procède d’un double constat :
l’aide au développement traditionnelle des Etats, malgré son importance (environ 120 milliards de dollars par an), ne permettra pas de faire reculer l’extrême pauvreté conformément aux objectifs du millénaire pour le développement ni de lutter efficacement contre le changement climatique,
le marché et les flux privés sont d’abord attirés par les pays et les secteurs rentables, et ne peuvent donc pas répondre aux besoins des pays les plus vulnérables.
Le terme « financements innovants » désigne plusieurs types de mécanismes permettant de lever des ressources complémentaires en faveur du développement. Les plus connus sont la taxe sur les billets d’avion qui finance UNITAID ou la facilité de financement internationale pour la vaccination (IFFim), mais il en existe beaucoup d’autres : partenariats public-privé, mécanismes de garantie, contributions citoyennes.
Ces financements sont innovants à plusieurs égards :
ils s’appuient sur des activités qui ont profité de la mondialisation : transports, commerce, finance,
ils constituent une ressource stable, prévisible, pérenne et coordonnée entre les Etats, qui est donc précieuse pour financer des besoins de long terme : accès à l’école primaire, traitements contre le Sida,...
ils correspondent à un mode de gouvernance original associant des Etats aux niveaux de développement divers et des acteurs privés : fondations, ONG, entreprises.
Les financements innovants correspondent par conséquent à une intervention moderne de la puissance publique, qui peut lever directement des fonds, mais aussi favoriser et canaliser des contributions volontaires privées.
Le potentiel des financements innovants du développement est considérable. En quatre ans, ils ont permis de lever près de 4 milliards de dollars supplémentaires pour le seul secteur de la santé.
Le Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, a porté au sommet du G20 de Toronto, le 27 juin 2010 et à la tribune des Nations Unies le 20 septembre 2010, l’idée d’une taxe sur les transactions financières. Celle-ci a été précisée par le Ministre des Affaires étrangères et européennes, M. Bernard Kouchner, et le Ministre de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi, Mme Christine Lagarde. Source : Document du sommet - Deauville 2011
Mesdames et Messieurs,
L’Histoire se souvient toujours de ces lieux vers lesquels, à un moment donné, toutes les forces créatives d’une époque semblent vouloir converger. Aussi, c’est en formant les vœux que Paris devienne pour quelques jours la capitale de l’Internet que j’ai souhaité vous réunir, à la veille du G8. Ce moment est important car c’est à ma connaissance la première fois, que l’ensemble de ceux qui ont contribué par leur talent à changer le monde, je devrais dire, à nous faire changer de monde, sont réunis en un seul et même lieu. La France et le G8 ont en effet l’honneur d’accueillir des femmes et des hommes dont le nom est aujourd’hui attaché à l’émergence d’une nouvelle forme de civilisation. Si nous savons nous écouter, nous parler, nous entendre, j’ai l’intime conviction que nous sommes en mesure de donner à ce G8 une dimension historique ; de permettre à notre époque de prendre pleinement conscience d’elle-même et de dépasser de formidables aventures individuelles pour entrer de plain-pied dans l’histoire collective.
Notre monde avait déjà connu deux mondialisations. De la première, celle des grandes découvertes, nous avons hérité un monde achevé, un monde dont Magellan pouvait faire le tour, un monde que l’on pouvait explorer et cartographier. De la seconde, celle des révolutions industrielles, nous avons hérité un espace non seulement achevé mais domestiqué, asservi même parfois. Avec la troisième mondialisation, celle dont vous êtes tout à la fois les acteurs et les promoteurs, vous avez changé la perception que le monde se fait de lui-même. Vous avez changé la notion d’espace car Internet non seulement abolit la distance qui sépare les hommes mais il ouvre un monde virtuel qui est par définition, sans limites. Un monde où chacun peut entrer en contact avec l’autre. Un monde où chacun peut construire son propre territoire, sa propre communauté, voire sa propre société. Vous avez changé la notion du temps en abolissant la notion même de durée au profit d’une immédiateté qui donne à chacun la possibilité d’accéder instantanément à l’autre, à l’information et pour tout dire au champ des possibles.
Vous avez changé jusqu’à la perception de l’Histoire car même si elle est parfois contestable, dans sa méthode comme dans ses effets, la transparence s’est imposée aux États eux-mêmes. Vous avez changé la relation aux choses et aux objets par le seul phénomène de la « dématérialisation ». Vous avez changé la notion même de connaissance en offrant à chacun la possibilité d’accéder à tout le savoir et non seulement d’y accéder mais d’y contribuer. Le rêve d’une bibliothèque universelle qui recueillerait tous les savoirs du monde, ce rêve vieux comme l’Antiquité, est aujourd’hui une réalité pour des millions d’internautes. En quelques années, vous avez bouleversé les fondements même de l’économie mondiale dont vous êtes devenus des acteurs majeurs. Vous avez changé le monde. Pour moi, vous avez changé le monde au même titre que Colomb et Galilée. Vous avez changé le monde au même titre que Newton et Edison. Vous avez changé le monde avec l’imagination de l’inventeur et l’audace de l’entrepreneur.
Chose unique dans l’Histoire, cette révolution totale est immédiatement et irrémédiablement globale. Chose unique dans l’Histoire, cette révolution n’appartient à personne, elle n’a pas de drapeau, elle n’a pas de slogan : cette révolution est un bien commun. Chose unique dans l’histoire, cette révolution s’est faite sans violence. La découverte du Nouveau Monde avait entrainé l’anéantissement des civilisations amérindiennes. La révolution mondiale que vous incarnez a été pacifique. Elle n’est pas née sur des champs de bataille mais sur des campus universitaires.
Elle a surgi de la combinaison miraculeuse de la science et de la culture, de la volonté de connaître et de la volonté de transmettre. La mythologie propre à la naissance de votre secteur voudrait que Google ait été créé dans un garage : je retiens surtout que Google est né dans une bibliothèque universitaire. L’imaginaire d’Hollywood voudrait que Facebook soit né d’un dépit amoureux : on en souhaite beaucoup comme ça. Je retiens surtout que Facebook est né au sein d’un campus universitaire de très haut niveau. Cette révolution qui a modifié jusqu’à notre perception du temps et de l’espace a joué un rôle déterminant dans le déroulement d’autres révolutions. En Tunisie, en Égypte, de simples individus ont pu faire vaciller un pouvoir qui s’était totalement déconsidéré en construisant des barricades virtuelles et des rassemblements bien réels. Les peuples des pays arabes ont ainsi montré au monde qu’Internet n’appartenait pas aux Etats. L’opinion internationale a pu ainsi constater qu’Internet était devenu, pour la liberté d’expression, un vecteur d’une puissance inédite.
Comme toute révolution, la Révolution technologique et culturelle que vous avez engagée est porteuse d’une promesse. Une promesse immense. Une promesse aux dimensions du progrès considérable que vous incarnez. Cette Révolution est arrivée au premier stade de sa maturité, elle ne doit pas oublier la promesse des origines. Si vous avez conçu les outils qui sont aujourd’hui les vôtres, c’est parce que vous rêviez d’un monde plus ouvert. Si vous avez construit les réseaux sociaux qui réunissent aujourd’hui des millions de femmes et d’hommes, c’est parce que vous rêviez d’un monde plus fraternel. Si vous avez donné une réalité à l’utopie, c’est parce que vous aviez foi en l’Homme et en son avenir. Si vous avez rencontré aussi vite un succès planétaire, c’est parce que cette promesse fait référence à des valeurs universelles. Votre action doit donc se lire à l’échelle de l’Histoire et s’inscrire dans une dynamique de civilisation. De là, votre niveau de responsabilité, car vous avez une responsabilité. Notre responsabilité, à nous chefs d’États et de gouvernement, n’est pas moindre. Nous devons accompagner une révolution qui est née au cœur de la société civile pour la société civile et qui a un impact direct sur la vie des Etats. Car si la technologie est neutre et doit le rester, on voit bien que les usages d’Internet ne le sont pas.
Aujourd’hui penser l’Internet relève d’une véritable responsabilité historique et cette responsabilité ne peut être qu’une responsabilité partagée, entre vous et nous. Il s’agit pour les États du G8, parmi les plus puissants du monde de reconnaître le rôle qui est désormais le vôtre dans la marche de l’Histoire. Nous voulons entendre votre expertise, car nous avons des choses à apprendre. Nous avons des choses à comprendre. De la même façon que les individus et les entreprises, les Etats n’ont pas l’intention de rater l’opportunité du progrès auquel vous avez donné naissance et que vous incarnez. Comment utiliser Internet pour renforcer la démocratie, le dialogue social, la solidarité ? Comment utiliser Internet pour améliorer l’efficacité du fonctionnement de l’Etat ? Comment insuffler dans l’Etat cet esprit d’innovation et d’entreprise, caractéristique de votre secteur ?
Il s’agissait aussi pour les États que nous représentons de signifier que l’univers que vous représentez n’est pas un univers parallèle, affranchi des règles du droit, affranchi de la morale et plus généralement de tous les principes fondamentaux qui gouvernent la vie sociale dans les pays démocratiques. Dès lors qu’Internet fait aujourd’hui partie intégrante de la vie du plus grand nombre, ce serait une contradiction que d’écarter les Gouvernements de cet immense forum. Personne ne peut ni ne doit oublier que les gouvernements sont dans nos démocraties, les représentants légitimes de la volonté générale. L’oublier, c’est prendre le risque du chaos démocratique donc de l’anarchie. L’oublier, ce serait confondre le populisme avec la démocratie d’opinion. La juxtaposition de volontés individuelles n’a jamais fait une volonté générale. L’amalgame des seules aspirations individuelles ne suffit pas à faire un contrat social.
Les Etats et les Gouvernements ont l’expérience de l’Histoire, et je voudrais vous parler au nom du pays qui a forgé la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Alors, Mesdames et Messieurs, soyez fidèle à la promesse de la Révolution que vous avez lancée. Le marché a ses propres mécanismes de régulation mais aucun échange n’est réellement libre si les termes de cet échange sont inéquitables. Ne laissez pas construire de nouvelles barrières là où vous avez fait tomber les vieux murs de l’ancien monde. Ne laissez pas s’installer de nouveaux monopoles là où vous avez renversé des situations acquises qui paraissaient inébranlables. En donnant à chaque individu, où qu’il soit et d’où qu’il parle, la possibilité d’être entendu par tous et en tout lieu, vous avez donné à chaque citoyen du monde un droit d’expression qui n’a jamais connu d’équivalent dans l’Histoire. Ce progrès fantastique des pouvoirs de l’individu ne peut pas avoir été gagné aux dépens des droits de l’Autre.
Ne laissez pas la révolution que vous avez lancée porter atteinte au droit élémentaire de chacun à une vie privée et à une pleine autonomie. La transparence totale, celle qui ne laisse jamais l’Homme en repos, se heurte tôt ou tard au principe même de la liberté individuelle. N’oubliez pas que derrière l’internaute anonyme, il y a un citoyen bien réel qui évolue dans une société, une culture, une nation organisée à laquelle il appartient et aux lois de laquelle il adhère. N’oubliez pas que c’est dans l’engagement de vos entreprises à contribuer équitablement aux écosystèmes nationaux, que sera appréciée la sincérité de votre promesse. Ne laissez pas la technologie que vous avez forgée porter atteinte au droit élémentaire des enfants à vivre protégés des turpitudes de certains adultes. Ne laissez pas la révolution que vous avez lancée véhiculer le mal, sans entrave ni retenue. Ne la laissez pas, cette révolution, devenir un instrument aux mains de ceux qui veulent porter atteinte à notre sécurité et donc à notre liberté et à notre intégrité. Vous avez permis à chacun, par la seule magie du Web, d’accéder d’un simple clic à toutes les richesses culturelles du monde. Il serait vraiment paradoxal que le Web contribue, à terme, à les assécher.
Cette immense richesse culturelle qui fait l’éclat de nos civilisations, nous la devons à la puissance créative des artistes, des auteurs et des penseurs. En un mot, nous la devons à ceux qui travaillent à l’enchantement du monde. Pourtant cette puissance de création est fragile car si les esprits créatifs sont spoliés du fruit de leurs talents, ils ne sont pas simplement ruinés, plus grave, ils perdent leur autonomie, ils seront contraints de mettre leur liberté en gage. Je vous le dis en pensant à un homme, un français mort il y a plus de deux siècles, qui avec une seule pièce de théâtre a fait vaciller une monarchie presque millénaire, un homme aussi qui, avec Lafayette, fut l’un des premiers défenseurs de l’Indépendance américaine. Cet homme, il vous ressemble car, parti de rien et n’ayant que son intelligence pour tout bagage, il a renversé un ordre que l’on croyait immuable et éternel. Cet homme, c’est Beaumarchais. Ce même homme a inventé le principe du droit d’auteur. Il a, alors, fait mieux que de donner aux créateurs les droits de propriété de leurs œuvres, il leur a garanti l’indépendance, il leur offert la liberté. Je sais et j’entends bien que notre conception « française » du droit d’auteur n’est pas la même qu’aux États-Unis ou dans d’autres pays.
Je veux simplement dire notre attachement à des principes universels, ceux que proclament aussi bien la Constitution américaine que la Déclaration des Droits de l’Homme : personne ne doit pouvoir être impunément exproprié du produit de ses idées, de son travail, de son imagination, de sa propriété intellectuelle. Ce que j’exprime ici chacun de vous doit pouvoir l’entendre car avant d’être des entrepreneurs, vous êtes des créateurs et c’est en vertu de ce droit de créateur que vous avez pu fonder des entreprises qui sont aujourd’hui devenues des empires. Ces algorithmes qui font votre puissance, cette innovation permanente qui fait votre force, cette technologie qui change le monde sont votre propriété et personne ne vous le conteste. Chacun de vous, chacun de nous, peut donc comprendre que l’écrivain, le réalisateur, le musicien, l’interprète puissent avoir les mêmes droits. Ce droit des créateurs a pouvoir recevoir la juste rétribution de leurs idées et de leurs talents vaut aussi pour chacun des États que nous représentons. Les États investissent dans la formation de ceux qui rejoignent ensuite vos entreprises. Les États investissent dans les infrastructures techniques qui permettent ensuite le transport des services et des contenus qui circulent sur le web.
Les États souhaitent engager avec vous un dialogue pour qu’une voie équilibrée puisse un jour être trouvée entre vos intérêts, ceux des internautes qui vous plébiscitent chaque jour et ceux des citoyens et des contribuables de chaque Nation qui ont aussi des droits. Nous sortons d’une crise terrible, fruit de l’aveuglement de puissances financières qui ont perdu de vue l’essentiel pour tout sacrifier à l’argent. Des puissances qui ont voulu s’affranchir du regard des peuples, des puissances qui ont voulu échapper au dialogue avec les Gouvernement élus qui portent l’intérêt général. C’est donc simplement un appel à la responsabilité collective que je lance ici. Un appel à la responsabilité et donc un appel à la Raison. Nous croyons aux mêmes valeurs. Je suis donc convaincu qu’un chemin est possible. Un chemin qui puisse permettre au monde que vous avez créé et au monde dont nous sommes les héritiers de marcher côte à côte dans l’intérêt général d’un monde devenu global et en grande partie grâce à vous. Alors entamons, ensemble, ce dialogue indispensable. Ouvrons et construisons ce nouveau forum.
Je vous remercie parce que quand j’ai eu l’idée de ce forum, au début tout le monde m’a dit que c’était une mauvaise idée, sauf Maurice LEVY quand je lui ai proposé d’en être l’organisateur. D’abord mes collègues chefs d’Etat et de gouvernement, qui m’ont dit « encore une fois : tu prends trop de risques ». Moi, je pense que le pire risque, c’est celui de ne pas en prendre ; que le pire risque, c’est celui de ne pas se parler ; et moi je pense que l’on ne prend jamais de risques quand on en appelle à l’intelligence des gens, celui du monde qui est le vôtre, qui s’est dit : « mais qu’est-ce que l’on a à faire avec les chefs d’Etat et de gouvernement ? » Je pense que l’on a beaucoup à faire ensemble et je serai très heureux jeudi qu’une délégation d’entre vous puisse dialoguer avec mes collègues chefs d’Etat et de gouvernement. Nous avons besoin de ce dialogue, nous avons besoin de comprendre vos attentes, vos aspirations, vos besoins et vous avez besoin d’entendre nos limites, nos lignes rouges, les problèmes dont nous sommes porteurs au nom de l’intérêt général de nos sociétés. C’est vous dire combien je suis heureux de vous recevoir à Paris et combien je serai encore plus heureux, si ce forum pouvait se tenir chaque année avant le G8, pour que nous sachions bien, nous, où vous vous trouvez et pour que vous sachiez, vous, ce que nous pensons.
Je vous remercie.
Source : Document du sommet - Les Tuileries (Paris) — Mardi 24 mai 2011